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10/10/2012

(J-Drama) Ningen no Shoumei : le poids du passé

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La saison estivale a été assez morose au Japon. Peu de dramas avaient aiguisé ma curiosité a priori, et les quelques-uns que j'ai tentés n'ont pas pu retenir mon attention plus d'une poignée d'épisodes. Heureusement l'hiver s'annonce autrement plus fournie et alléchante, et soyez certain que j'y reviendrai de manière plus détaillée (des présentations à consulter par , ou ). En attendant, ces dernières semaines, j'ai donc eu l'occasion de ressortir ma liste de séries japonaises "à voir" (liste qui, il faut bien l'avouer, atteint une telle longueur qu'elle me fait douter en venir un jour à bout). J'avais initialement mis de côté le drama du jour dans le cadre mon cycle "explorons la filmographie de Takenouchi Yutaka", puis une review publiée cet été par Asa avait achevé de me convaincre de lui laisser sa chance.

Ningen no Shoumei (aka Proof of the Man) a été diffusé au cours de l'été 2004 sur Fuji TV. Il compte en tout 10 épisodes de 45 minutes environ (sauf le pilote qui avoisine 1 heure). Adapté d'un roman de Seiichi Morimura, il faut savoir que cette histoire a déjà été portée sur grand écran, au cinéma, en 1977 dans un film du même nom (Un article ici sur le film permet d'apprécier la liberté prise par le drama par rapport aux thèmes originaux). Cette version télévisée a été scénarisée par Maekawa Yoichi. Si j'ai découvert Ningen no Shoumei grâce à son casting, son histoire m'intriguait tout autant. Plus qu'une simple enquête policière, elle explore toute une galerie de portraits ambivalents et humains de personnages forts sur lesquels le passé a laissé une empreinte indélébile. Le genre de fiction à entrées multiples susceptible de me plaire.

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Suite à une arrestation réalisée de manière musclée mais efficace au cours d'une descente de police dans un club de Tokyo, Munesue Ichiro obtient une promotion dans un nouveau service relevant du commissariat central. Policier obstiné et instinctif, ses compétences sont reconnues par ses collègues, mais son impulsivité et ses excès de violence lui valent régulièrement des ennuis. Il va avoir l'occasion de faire ses preuves au cours de la première grande affaire à laquelle il est confronté : le meurtre d'un jeune Afro-Américain, dont le cadavre poignardé est retrouvé sur un pont de la ville.

Remontant le fil des indices et des fausses pistes, l'enquête conduit Ichiro de la campagne japonaise jusqu'au sud profond des Etats-Unis, en passant par sa ville d'enfance qu'il avait sans regret laissée derrière lui. Sa route croise également la route de nombreuses personnalités toutes connectées d'une façon ou d'une autre, de la romancière célèbre envisageant une carrière politique à une ancienne activiste d'extrême-gauche, en passant par un mari infirme et l'amant de son épouse unis tous deux dans la recherche de la femme qu'ils aiment et qui a disparu.

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Le premier attrait de Ningen no Shoumei tient à la densité de son récit. Exploitant parfaitement un caractère feuilletonant qui lui permet de se démarquer du format du simple procedural show, trop restrictif, le drama s'attache au contraire à construire et à tisser, tout au long de ses dix épisodes, une seule intrigue extrêmement foisonnante. Il éclate volontairement son histoire en de multiples storylines parallèles dont les liens n'apparaissent qu'au fur et à mesure de la progression de l'affaire. L'enquête policière principale, restant le fil rouge immédiat le plus accessible pour le téléspectateur, est classiquement mais efficacement construite, avec son lot de fausses pistes, de rebondissements et de découvertes. Elle est non seulement prétexte à voyager pour les enquêteurs, mais elle conduit aussi à remonter le temps aux origines des faits qui ont scellé les destinées de chacun.

Dans cette optique, Ningen no Shoumei est une série qui joue beaucoup sur la symbolique. Elle fait la part belle aux coïncidences permettant de parvenir à un toutélié voulu qui aurait pu sonner artificiel dans toute autre circonstance, mais que le scénario sait bâtir patiemment et surtout légitimer. En effet, le drama fait le choix opportun de ne pas se contenter d'être une simple quête du meurtrier - lequel se devine de toute façon rapidement. Esquissant une galerie de portraits ambigüs qui sont autant de personnages marqués pour beaucoup par des blessures indélébiles, c'est un récit qui parle avant tout de l'humanité, dans tout ce qu'elle contient d'espoir mais aussi dans sa dimension la plus sombre et désespérée. Au gré des tranches de vie qui défilent, l'objet de l'histoire s'impose peu à peu : obliger chacun à faire face à lui-même pour trouver, s'il le peut, une forme de paix.

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Le thème central de Ningen no Shoumei tourne ainsi autour du poids du passé. Ce dernier agit comme une ombre pesante, prédéterminant les actions des protagonistes et forgeant leurs ambivalences. La figure centrale qu'est Menesue Ichiro représente bien tout cela : sa défiance instinctive envers quiconque, ses explosions de violence dans certaines situations, ou encore cette froideur efficace qui le caractérise, trouvent leur source dans un traumatisme plus lointain qui hante sa mémoire. Le passé encore est ce qui régit les actions de Koori Kyoko, cette femme célèbre qui cultive une apparence policée de réussite mais qui porte en elle des stigmates d'une toute autre nature. Au fil du récit, Ningen no Shoumei dessine les contours de figures cabossées par la vie, qui poursuivent comme elles peuvent leur existence tout en gardant un oeil sur un passé dont ils ne peuvent se défaire. Cela permet de créer de vrais personnages de fiction, difficiles à cerner et intriguants.

Même les histoires plus connexes, peut-être non vitales à l'intrigue, contribuent à cette ambiance en mettant en scène des figures un peu perdues qui cherchent une direction : qu'il s'agisse de ce fils s'enfonçant irrémédiablement dans une spirale autodestructrice qu'il a lui-même initiée, ou de ce rapprochement hésitant et presque contre-nature auquel on assiste entre un mari et l'amant de sa femme pour rechercher celle qu'ils aiment et qui a disparu. Quant à l'approche peu flatteuse réservée aux Etats-Unis, qu'il s'agisse de l'évocation du racisme dans le Sud ou des dérives autour des bases militaires américaines sur le sol japonais, elle semble s'inscrire aussi dans cette ambiance un peu amère pour aboutir à une même conclusion : la nécessité de regarder vers l'avenir.

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Sur la forme, Ningen no Shoumei dispose d'une réalisation correcte, déjà quelque peu datée (le drama remonte à 2004). Assez paradoxalement, c'est lors de ses escapades aux Etats-Unis que la série trahit particulièrement son âge : l'oeil du téléspectateur opère alors la comparaison naturelle et immédiate, au vu de cet environnement familier, avec des séries américaines. Face à cette reconstitution du sud profond de l'Amérique, la photographie et les cadrages paraissent nous ramener encore une décennie supplémentaire en arrière. Mais la fluidité du récit ne souffre pas de ces quelques limites que l'on occulte facilement tout heureux que nous sommes d'avoir l'occasion de voyager par-delà les continents. Et puis le drama peut s'appuyer sur une intéressante bande-son composée par Iwashiro Taro : il dispose notamment d'un thème principal assez marquant qui contribue à rythmer l'enchaînement des situations.

Enfin, Ningen no Shoumei bénéficie d'un solide casting (je n'ai pas oublié que c'était d'abord lui qui m'avait permis de découvrir ce drama). S'il joue un rôle assez traditionnel, celui du flic sombre, torturé et efficace, Takenouchi Yutaka (Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, BOSS, Fumou Chitai) se montre convaincant, se réappropriant pleinement les ambivalences de son personnage. L'acteur remporte également l'examen de maîtrise de langue étrangère, son anglais étant assez compréhensible, ce que l'on ne peut pas vraiment dire pour les quelques mots phonétiquement hésitants prononcés dans la langue de Shakespeare par Natsukawa Yui (Kekkon Dekinai Otoko), qui interprète une journaliste déterminée, soutien amical constant pour Ichiro, et par Matsuzaka Keiko (Atsu-hime), qui joue la troublante Koori Kyoko. On retrouve aussi à l'affiche d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Ogata Ken, Osugi Ren ou encore Tanabe Seiichi. Mon seul réel regret est que Sato Jiro ait été cantonné à un rôle caricatural qui tient plus du comique maladroit de répétition qu'autre chose.

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Bilan : Suivant en fil rouge une enquête policière complexe et à tiroirs multiples, Ningen no Shoumei est un drama dense, choral par sa mise en scène d'une large galerie de personnages ambivalents. Il interroge sur le poids du passé - qu'il soit personnel, ou étroitement mêlé à celui du Japon - et sur la manière dont il est possible, ou non, de refermer des blessures qui semblent ne pouvoir se cicatriser. Son récit gagne en force au fil d'une narration qui bénéficie d'une construction méthodique et efficace, sans précipitation. Une série donc très intéressante à plus d'un titre.


NOTE : 7,5/10

19/09/2012

(J-Drama / SP) Suteki na Kakushidori : une comédie sympathique sur une concierge face à ses excentriques clients


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Un petit tanpatsu léger au programme de ce mercredi asiatique (à l'occasion d'une semaine chargée pour moi, où une comédie était la bienvenue dans mon petit écran). Suteki na Kakushidori est un drama unitaire d'1h45 qui a été diffusé sur FujiTV le 5 novembre 2011. Sa particularité est qu'il est signé du réalisateur-scénariste Mitani Koki qui a mobilisé les acteurs réunis pour son film Suteki na Kanashibari dans ce projet parallèle à destination de la télévision. L'histoire y est complètement différente. Diffusé après la sortie en salle du film, il sert en même temps en quelque sorte de promotion pour l'oeuvre sur grand écran (il se conclut par sa bande-annonce). Reste que Suteki na Kakushidori peut s'apprécier indépendamment et est avant tout un sympathique moment de détente à regarder sans arrière-pensées.

L'histoire de ce drama est simple : il met en scène la nouvelle concierge d'un grand hôtel japonais, Saijo Mie. Incertaine quant à sa vocation pour ce travail, elle fat cependant de son mieux pour en apprendre toutes les dures ficelles. Par principe, un concierge se doit de tout en mettre en oeuvre pour satisfaire ses clients et donc accéder à leurs demandes, peu importe qu'elles soient les plus farfelues ou absurdes possibles. Suteki na Kakushidori relate ainsi le quotidien de Mie tandis qu'elle doit faire face, parfois franchement incrédule, aux surprenantes réclamations d'excentriques personnalités : réactivité, diplomatie et inventivité sont les maîtres-mots qui président à son action. A elle d'essayer de prendre chaque cas comme un nouveau défi.

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Suteki na Kakushidori est une comédie bien huilée qui repose sur un comique de situation constamment renouvelé - avec quelques répétitions bienvenues - et une petite touche de burlesque. La narration bénéficie d'un rythme d'écriture très enlevé, qui ne laisse aucun temps mort, ni repos à ses protagonistes. Les dialogues fusent, avec des réparties qui forment vite un savoureux ping pong verbal où la chute prête souvent à sourire. Cette énergie permet d'exploiter pleinement le format du récit, très linéaire, au cours duquel Mie enchaîne les cas d'école abracadabrantesques, devant satifsaire aussi bien des célébrités très différentes de leur image publique que des anonymes venus dans cet hôtel pour une occason très spéciale. Toutes ces micro-storylines ne sont pas toujours de qualité égale, mais elles se caractérisent par le dynamisme commun qui les parcourt, reposant sur les épaules d'une Mie qui insuffle un vitalité communicative à l'ensemble.

Si le téléspectateur se prend aisément au jeu de cette suite de petites scénettes, plus ou moins longues, c'est parce que Suteki na Kakushidori est typiquement le genre de comédie plaisante à suivre, ne se prenant pas au sérieux, mais apparaissant au contraire comme une invitation à s'amuser avec l'équipe créatrice. Element révélateur de ce parti pris et de cette tonalité, Mitani Koki interprète même un des clients de Mie : il joue un... réalisateur anxieux dont l'avant-première du dernier film est sur le point d'avoir lieu et qui est saisi d'une brusque crise de confiance, ayant peur d'affronter les critiques. Mie doit essayer de regonfler son moral comme son ego, et elle le fait avec la sincérité et la maladresse qui correspondent si bien à son personnage plein de bonne volonté, mais gardant une distance toute professionnelle face à ces crises qui sont parachutées sur elle. Ces quelques scènes face réalisateur sont parmi les plus amusantes du tanpatsu, aux côtés notamment de la session culinaire, leçon accélérée pour une spécialiste... de bouquins de cuisine. Ce drama est donc très sympathique, avec beaucoup de second degré : il s'apprécie pour ses décalages comme pour ses excentricités.

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Sur la forme, Suteki na Kakushidori se déroule à huis clos, principalement dans la grande suite de l'hôtel. La réalisation y est minimaliste, se rapprochant dans la mise en scène et l'utilisation de l'espace d'une pièce de théâtre. Ce ressenti est encore plus accentué du fait qu'une partie des scènes sont capturées par l'intermédiaire de caméras de surveillance mystérieusement installées aux coins stratégiques de la pièce (ce semi-fil rouge se résoudra de lui-même à la fin du tanpatsu). La bande-son correspond quant à elle parfaitement à la tonalité d'une comédie, avec ses petits morceaux instrumentaux extrêmement rythmés et légers accompagnant parfaitement des situations drôles.

Enfin, ce tanpatsu bénéficie d'un casting sympathique. Suteki na Kakushidori doit beaucoup au personnage de Mie, et logiquement à son interprète, Fukatsu Eri : l'actrice apporte une présence physique à l'écran, n'hésitant pas à jouer dans le burlesque, qui est vraiment appréciable. Elle dynamise chacune de ses scènes, les transforment à l'occasion en un one-woman-show assumé. Face à elle, elle voit défiler un certain nombre de têtes plus ou moins familières du petit écran japonais avec lesquelles la dynamique fonctionne généralement très bien. On croise notamment Asano Tadanobu, Yamamoto Koji, Takeuchi Yuko, Asano Kazuyuki, Toda Keiko, Kusanagi Tsuyoshi, Nishida Toshiyuki (et même une micro-apparition qui confine plus à la cameo d'Abe Hiroshi), ainsi que Mitano Koki.

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Bilan : Comédie enlevée et sympathique, Suteki na Kakushidori présente une suite de petites scénettes, se jouant à huis clos, qui sont autant de situations de crises auxquelles doit faire face son héroïne, une concierge pragmatique et pleine de bonne volonté confrontée à des clients excentriques et à des demandes pour le moins inhabituel. C'est résolument léger - même si certains passages sont à l'occasion un peu plus pesants -, souvent amusant à suivre, et surtout porté par un dynamisme qui permet de ne pas s'ennuyer une seule seconde. C'est du pur divertissement auquel il ne faut pas demander plus, mais pour une soirée où l'on souhaite se détendre, voici un tanpatsu tout indiqué !


NOTE : 7/10

01/08/2012

(J-Drama / Pilote) Iki mo Dekinai Natsu : du problème administratif à la crise existentielle

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La saison estivale bat actuellement son plein au Japon. Beaucoup de nouveautés sont arrivées en juillet. Comme je vous l'avais dit, peu avait initialement retenu mon attention sur le papier. Mais le rythme du petit écran mondial étant quand même un peu moins soutenu durant cette période - plus si creuse - qu'est l'été, j'ai pris le temps de tester quelques dramas que j'aurais sans doute laissés passer en temps normal. Par curiosité pour une affiche, por un casting, ou tout simplement parce que j'étais intriguée de voir comment serait porté à l'écran et avec quelle approche tel ou tel concept.

A l'heure d'un premier bilan de visionnage, Magma est, malgré certaines limites, pour le moment le drama qui m'a le plus intéressé. J'y reviendrai dans un prochain billet d'ensemble (vivement la sortie des sous-titres anglais du dernier épisode). En attendant, arrêtons-nous aujourd'hui sur un pilote en particulier parmi ceux que j'ai visionnés, celui de Iki mo Dekinai Natsu. Diffusé le mardi soir sur Fuji TV, ce drama a débuté le 10 juillet dernier au Japon. Je savais qu'il n'appartenait pas un genre avec lequel j'ai beaucoup d'affinité (du mélodrame, des accidents de vie, de la romance...). Ce premier épisode m'a laissé une impression mitigée, mais je ne regrette pas de l'avoir vu.

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L'héroïne de Iki mo Dekinai Natsu, Tanizaki Rei, est une jeune fille qui semble avoir sa vie bien en main. Elle vit avec sa mère et sa plus jeune soeur, a fini ses études au lycée et s'épanouit en faisant un travail qu'elle aime dans une grande enseigne de pâtisserie. Tout semble aller pour le mieux, d'autant plus que sa supérieure lui propose un contrat d'embauche au sein de l'entreprise qui lui permettrait de postuler à des formations prestigieuses, notamment à Paris. La persévérance de Rei a donc payé. Or c'est pourtant cette offre qu'elle attendait sans y croire qui va faire vaciller sa vie. En effet, pour devenir une employée à temps complet, elle doit fournir un certain nombre de justificatifs, notamment d'identité et de sécurité sociale. Mais en allant demander ces documents, elle découvre qu'elle n'a pas été inscrite sur le registre de sa famille à sa naissance.

Par conséquent, aux yeux de l'Etat et de l'administration, Rei n'existe pas et n'a donc aucun droit. Cet incident n'est pas unique : c'est un problème qui se rencontre lorsqu'une mère entendait contourner la présomption légale irréfragable posée dans le droit de la famille japonais, au terme de laquelle le mari est automatiquement le père d'un enfant qui serait né moins de 300 jours après la dissolution du mariage. Prise au dépourvu par cette situation déstabilisante, alors que sa mère fuit pour l'instant ses responsabilités, Rei s'interroge sur sa place au sein de sa famille et de la société. Elle va se lier avec l'employé administratif qui l'a reçue et lui a appris la situation. Ce dernier est touché par son cas, peut-être parce qu'il s'est lui-même retrouvé en marge de la société après avoir subi de graves désillusions dans sa carrière journalistique précédente.

Se noue peu à peu une surprenante relation entre Rei et cet homme qui aurait l'âge d'être son père. Les deux pourront-ils se guérir l'un l'autre ?

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Il faut reconnaître au pilote de Iki mo Dekinai Natsuse une réelle efficacité dans sa construction narrative. Correspondant en tout point à ce qu'on pouvait légitimement en attendre pour introduire la situation, il met en scène avec une impression d'inéluctabilité poignante l'engrenage des évènements qui fait dérailler la vie jusque là si bien ordonnée de Rei. L'écriture apparaît solide et consistante, et le rythme est globalement maîtrisé. Judicieusement, c'est avant tout sur l'héroïne que se concentre l'épisode : il s'agit de créer un lien affectif avec le téléspectateur. Ce dernier ne pourra rester insensible aux conséquences que la révélation - sa non-inscription dans les registres - va avoir sur Rei. Le cauchemar administratif devient familial, pour se transformer ensuite en une remise en cause existentielle touchante et qui a du potentiel si elle est bien menée. Mais s'il avait jusque là su rester relativement sobre, l'épisode négocie mal le tournant une fois le problème exposé au grand jour.

En effet, Iki mo Dekinai Natsuse bascule alors dans une sur-dramatisation au cours de laquelle le récit perd en force et en crédibilité. Cette évolution trouve son apogée dans le cliffhanger sur lequel se conclut le pilote : il laisse en suspens le sort de l'héroïne blessée, alors même que l'on vient de nous expliquer qu'une des conséquences de sa non inscription sur le registre serait le non accès aux soins. Cette fin a été pour moi la goutte d'eau faisant déborder le vase. Alors que le concept de départ était intéressant en tant que tel par la réflexion autour de crises identitaires vers laquelle il pouvait conduire, ce dernier quart d'heure donne l'impression que le scénariste s'est senti obligé de sur-ajouter. Il a voulu trop en faire, cherchant absolument à faire vibrer la corde la plus sensible du téléspectateur. En forçant le trait larmoyant, le drama tombe dans la démesure face au problème existant (d'ordre simplement bureaucratique) et perd en justesse et en authenticité. Sachant que c'est une histoire qui doit jouer sur un registre émotionnel, il ne faudrait pas que cette surenchère inutile soit une technique qui se répète.

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Sur la forme, Iki mo Dekinai Natsu est classique, mais sa réalisation fait preuve de maîtrise. Sa photographie très claire renvoie une impression soignée et épurée tout en restant colorée qui m'a séduite. C'est visuellement un drama qui, en dépit de certaines limites inhérentes, sait nous immerger dans ses décors et son ambiance. En revanche, les images de son générique d'ouverture sont un peu moins inspirée (ou plutôt, devrais-je dire, "travaillées"), mais il a la bonne idée d'emprunter une chanson anglaise d'Adele qui donne bien le ton (pour un aperçu, cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting est homogène et devrait tenir la route. Takei Emi (GOLD, W no Higeki) sait susciter l'empathie requise pour son personnage : elle gère plutôt correctement la transition à l'écran, passant du bonheur stéréotypé initial à une perte de repères et à des doutes qui lui font questionner son existence. Face à elle, Eguchi Yosuke retrouve cette sobre efficacité que j'avais pu apprécier dans Chase : c'est un genre de rôle qu'il maîtrise, et je ne me fais donc aucun souci le concernant. Kimura Yoshino (Hatsukoi) doit elle relever un défi plus difficile : elle sait se montrer expressive, mais son personnage souffre d'une écriture qui l'instrumentalise pour accentuer à outrance le mélodrame. On retrouve également à l'affiche Nakamura Aoi, Hara Mikie, Kirishima Reika, Koshiba Fuka, Hamada Mari ou encore Kaname Jun.

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Bilan : Iki mo Dekinai Natsu signe un pilote efficace, agréable visuellement et solide dans sa construction narrative. Malheureusement l'épisode se sent obliger de verser dans une sur-dramatisation discutable, qui rend ses derniers développements artificiels et forcés. Pour la suite, tout dépendra si le drama entend poursuivre dans cette tonalité, ou s'il s'agissait surtout de retenir l'attention du téléspectateur (même si cela a eu pour moi l'effet opposé). Passer d'un problème bureaucratique à une crise existentielle est en soi une idée qui réclame de rester sobre, or Iki mo Dekinai Natsu n'a pas encore trouvé son équilibre.

En résumé, c'est un pilote moyen, avec des atouts et des limites, mais la série n'est sans doute pas faite pour moi. Je reconnais avoir un seuil de tolérance assez bas à ce registre mélodramatique. Si le genre ne vous déplaît pas a priori, jetez-y quand même un oeil.


NOTE : 6/10


Le générique du drama :


20/04/2011

(J-Drama) Fumou Chitai : le traumatisme d'un homme, la reconstruction d'un pays dans le Japon de l'après-guerre

 
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En ce mercredi asiatique, la série dont je vais vous parler aujourd'hui est une oeuvre particulière. Je ne suis pas quelqu'un qui aime surenchérir dans la course aux superlatifs, et j'ai bien conscience d'avoir encore beaucoup à apprendre et à découvrir du petit écran japonais, mais je peux écrire sans hésiter que je n'avais encore jamais visionné de série semblable à Fumou Chitai. Elle dispose d'un concept fort, dans un cadre au parfum également à part, celui de l'après-guerre au Japon. Il y a une richesse et une consistance narratives constantes absolument fascinantes dans ce drama, où l'intime côtoie l'historique.

Marquant le cinquantième anniversaire de Fuji TV, Fumou Chitai a été diffusée du 15 octobre 2009 au 11 mars 2010. Comportant en tout 19 épisodes, elle est l'adaptation d'un roman à succès, portant le même titre, écrit par Yamazaki Toyoko à qui l'on doit également le livre ayant servi de base à un autre drama, lui aussi incontournable, avec lequel cette série partage certaines thématiques, Karei Naru Ichizoku. A noter, enfin, que Fumou Chitai avait déjà été porté au petit écran en 1979, dans une première série qui comportait elle 31 épisodes.

En somme, cette série fait partie des oeuvres qui, par leur densité, par les thématiques si riches qu'elles soulèvent, intimident quelque peu le critique. Il est difficile de lui rendre pleinement justice ; mais je vais quand même essayer de vous expliquer ce que j'ai trouvé et ressenti dans ce drama que je conseille vraiment à tous, familiers du petit écran japonais ou non.

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Fumou Chitai s'ouvre en 1945 sur la capitulation japonaise, marquant la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Iki Tadashi est alors un stratège au sein de l'armée impériale. Si comme beaucoup, il écoute avec une forme d'incrédulité le discours de reddition de l'Empereur, il est cependant envoyé en Chine pour s'assurer que les forces armées japonaises respectent bien ces ordres univoques. Devant l'avancée des soldats russes, il ne peut se résoudre à regagner à temps le Japon et décide de rester auprès de ses hommes. Fait prisonnier, il est expédié en Union Soviétique. Il bénéficie au début d'un traitement de faveur dans un contexte de (pré-)Guerre Froide, les Russes espérant obtenir un témoignage compromettant pour remettre en cause la thèse américaine exonérant l'Empereur japonais. Mais devant son refus catégorique, Iki Tadashi est finalement condamné à une longue peine de travaux forcés.

Il restera dans les camps de travail de Sibérie jusqu'en 1956, soit onze années passées dans l'enfer des goulags russes. Les conditions de vie si difficiles eurent raison de nombreux prisonniers. Ce qui permit à Iki Tadashi de survivre, c'est non seulement la pensée de sa famille, mais également le souvenir de tous ses camarades qui s'éteignirent sous ses yeux, tombés d'épuisement, de malnutrition ou pour qui, une fois l'espoir disparu, le suicide apparut comme le seul recours pour en finir avec toutes ces souffrances. Après tant d'années loin des siens et de son pays, le retour au Japon ne s'opère pas sans une phase d'adaptation douloureuse. Sa femme s'est mise à travailler pour subvenir à leurs besoins. Sa fille craint plus que tout que son père poursuive dans cette carrière militaire tant honnie. Quant à son fils, n'ayant connu son père que par une idéalisation enfantine d'une figure militaire lointaine, il ne le reconnaît pas.

Pour reprendre le cours de sa vie mise en hiatus pendant plus d'une décennie, et dont il gardera à jamais le traumatisme au plus profond de lui, Iki Tadashi se tourne finalement vers une carrière civile. Déjà dans la force de l'âge, peut-il vraiment se reconstruire dans le domaine du commerce qui lui est totalement étranger ? Il sera pourtant le témoin privilégié, et un des acteurs, de la restructuration économique japonaise au cours de deux décennies cruciales jusqu'à la fin des années 70.

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Fumou Chitai, c'est tout d'abord une fresque, grande et ambitieuse, dont une des réussites va être de savoir mêler l'historique et le personnel. Elle y parvient en suivant le parcours d'Iki Tadashi, fil conducteur du drama, dont la destinée apparaît liée à celle de son pays. Au sortir de la défaite, le pays est à reconstruire économiquement, mais aussi socialement, de la même manière que la vie d'Iki Tadashi est à rebâtir lorsqu'il revient de Sibérie après ces onze années perdues. Les fictions se déroulant dans une période d'après-guerre ont souvent un parfum assez particulier, et ce drama n'y déroge pas. Jusqu'à présent, j'ai assez peu vu ou lu d'oeuvres sur cette époque au Japon, à l'exception peut-être du Soldat Dieu de Koji Wakamatsu qui traite plutôt du militarisme japonais précédant la défaite. Toujours est-il que l'évocation de cette fin de guerre constitue une première thématique forte de ce drama, évoquée de la perspective du personnage principal.

La série aborde ce sujet difficile avec une maîtrise et un aplomb à saluer. Même si vous ne deviez pas poursuivre au-delà, je ne saurais trop vous conseiller de prendre le temps de regarder au moins le pilote, très long (plus d'1h50), mais absolument fascinant, qui nous relate la façon dont Iki Tadashi va vivre la capitulation et les années de détention. Fumou Chitai opte pour une approche simple, sans pathos inutile et dépourvue du moindre excès dans la mise en scène. Cette présentation confère au récit toute sa force, ainsi que son intérêt. Car cette sobriété bienvenue accentue l'intensité des évènements relatés, renforçant l'impression d'authenticité et de rigueur historique. Si la série montre peu le Japon durant cette période, la question des prisonniers de guerre internés en Union Soviétique est en revanche traitée avec soin. J'avoue que c'est un sujet dont j'ignorais tout avant de visionner ce drama ; mais plus de 500.000 soldats japonais qui se trouvaient sur le continent lors de la capitulation passèrent ainsi par les camps russes. En raison de son grade (et de son manque de coopération), Iki Tadashi sera condamné par un tribunal militaire soviétique, ce qui explique qu'il fera partie de ceux qui subiront la plus longue durée d'emprisonnement.

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Au-delà de la reconstitution historique, cette détention sibérienne va permettre à Fumou Chitai d'explorer une dimension plus intime, en un sens plus déchirante, à travers la figure complexe de son personnage central. Car si la série va ensuite de l'avant, tournée vers le futur à l'image d'une société qui souhaite se rebâtir, le traumatisme constitué par ces années en Sibérie ne va jamais s'effacer. La portée symbolique du générique de fin est à ce titre révélatrice : il se charge de nous rappeler que c'est dans cet enfer blanc que la volonté de continuer à vivre d'Iki Tadashi trouve sa fondation. Cette dernière se résume en un simple commandement : servir son pays. Mais s'il s'efforce de retrouver un équilibre dans sa vie familiale, s'il amorce avec assurance une ascension professionnelle impressionnante, cette reconstruction n'est qu'illusoire. Elle n'est qu'une apparence, une façade de survie au sujet de laquelle même Iki Tadashi se ment parfois, mais dont chacun de ses actes va nous démontrer la vanité.

Car une partie du personnage est bien morte en Union Soviétique. Ce pacte qu'il a fait avec lui-même, cette ligne de conduite qu'il s'est fixé, survivre pour servir son pays, il la suivra certes longtemps sans recul. Jusqu'aux dernières années où la remise en cause de ses certitudes lui feront prendre conscience de ses priorités. Akitsu Chisato l'accusera d'égoïsme, mais en réalité, le choix final de retourner en pèlerinage en Sibérie ne vient que confirmer ce que le téléspectateur a compris depuis longtemps. Si Iki Tadashi s'est assigné un devoir, assumant les responsabilités qu'il devait à ses hommes, à sa famille et à son pays, lui-même n'a jamais su ou pu recommencer sa vie. Tous les espoirs d'un futur auquel il aurait droit sont morts en même temps que ses camarades, ceux qui se sont suicidés sous ses yeux comme ceux qui ont succombé aux mauvais traitements. C'est seulement à la fin de la série qu'Iki Tadashi semble le reconnaître et l'accepter.

Laissant une place pour l'interprétation d'un téléspectateur captivé, l'approche psychologique de Fumou Chitai est d'une finesse assez fascinante, traitant de façon très nuancée, avec beaucoup de non-dits de ce fil rouge central. S'assurant ainsi d'une fondation très solide, le drama va pouvoir investir d'autres enjeux immédiats, et notamment les questions économiques.

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L'industriel, c'est en effet le thème le plus directement évoqué par Fumou Chitai. Cela le rapproche de Karei Naru Ichizoku, sans pour autant que les deux dramas se confondent. Dénuée de tous les ingrédients empruntés aux soaps qui faisaient la marque du second, Fumou Chitai apparaît plus rigoureuse et documentée dans son approche, sans pour autant être moins accessible. En effet, la série ne va avoir aucune difficulté à retenir l'attention du téléspectateur sur des enjeux qui touchent plutôt à des problématiques de stratégie industrielle. Par sa mise en scène d'une concurrence acharnée entre entreprises, ce drama s'inscrit plutôt dans le thriller financier, reprenant des codes classiques de l'espionnage : la collecte et l'analyse des données sont un travail proche de celui du renseignement. Le résultat donne un mélange des genres efficace, sachant entretenir une tension et un suspense presque inattendus.

Dans ce domaine économique, la série a également un intérêt historique : elle nous plonge dans le Japon de l'après-guerre, à travers plusieurs décennies d'industrialisation et de progressive ouverture au monde du pays. Nous permettant de suivre indirectement les grandes politiques et transformations initiées, Fumou Chitai éclaire sans complaisance des moeurs gouvernementales où la corruption est généralisée et apparaît normalisée, dressant ainsi un portrait peu flatteur du personnel politique dirigeant. De plus, ce récit explore le développement industriel japonais dans des domaines très divers, avec une approche résolument internationale. En effet, après avoir passé deux années à se remettre physiquement de sa détention, Iki Tadashi accepte l'offre d'emploi du président de Kinki Trading Co. La série traitera de l'industrie à travers plusieurs grands arcs narratifs successifs, en commençant par un sujet qui touche de près son héros, l'armement, pour finir par une problématique devenue centrale, le pétrole, en passant par les grandes restructurations des années 70 dans l'industrie automobile.

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En outre, Fumou Chitai va savoir investir une dimension humaine grâce à laquelle le téléspectateur va s'attacher à son univers. La rigidité, toute militaire pourrait-on dire, d'Iki Tadashi qui s'attache à ses principes et à une probité qui tranchent dans ce milieu, ne sera pas toujours dénuée d'ambivalence. Si, initialement, c'est l'invocation d'intérêts supérieurs nationaux qui semble justifier le recours à des moyens peu recommandables, un glissement est perceptible dans l'ordre des priorités du personnage. Toujours présentée sous couvert de servir son pays, la dernière intrigue pétrolière montre toutes les limites, voire l'hypocrisie, de ce raisonnement et les transformations d'Iki Tadashi au contact d'un milieu industriel dont il a désormais pleinement intégré les codes, même s'il s'en défend. Fumou Chitai permet d'ailleurs de nous immerger de façon crispante et prenante dans ce monde des affaires, où les ambitions et les égos conditionnent de fragiles alliances de circonstances et où chacun cultive des inimités qui traversent les années. L'ultra-concurrentiel offre une forme de prolongement civil à l'affrontement militaire ; le parallèle opéré grâce aux mises en oeuvre des stratégies d'Iki Tadashi est à ce titre très révélateur.

Pour autant, Fumou Chitai aborde aussi un registre plus intime, voire sentimental. Plusieurs figures féminines vont en effet marquer la vie d'Iki Tadashi, chacune représentant une conception différente de la femme. Yoshiko est l'épouse à la fidélité sans faille, qui se sera sacrifiée elle aussi pendant ces onze années pour faire survivre sa famille. Renvoyant à la conception familiale japonaise traditionnelle, elle gagne en importance au fil des épisodes : loin d'être effacée, elle acquiert une épaisseur et une dimension presque tragique dans son obstination à essayer de maintenir unie une famille dont la Sibérie n'a laissé, sur bien des points, qu'une coquille vide. Avec Akitsu Chisato, il y a un changement de génération : c'est une femme active, pour qui le bonheur importe, seul le mariage d'amour se justifiant à ses yeux. Sa relation avec Iki Tadashi est particulièrement bien traitée. Toute en nuances, elle sonne très authentique par le carcan dans lequel elle se développe. Si Chisato privilégiera les sentiments à la raison, elle n'en recueillera pas les bénéfices En effet, celui qu'elle aime a perdu en Sibérie cet élément précieux qu'est la capacité à pouvoir se construire un futur. Enfin, de façon plus incidente, il est également possible d'évoquer Hamanaka Beniko, symbole, elle, de la femme fatale qui a gagné une forme de liberté en embrassant et dépassant les conventions sociales de son milieu aisé. Toutes trois enrichissent la série, vis-à-vis de caractère permettant de remettre en cause les certitudes d'Iki Tadashi.

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Appliquée et solide sur le fond, Fumou Chitai l'est également sur la forme. Sa réalisation est soignée, bénéficiant d'une photographie qui sied parfaitement à l'atmosphère de la série qui va traverser les décennies en partant du milieu du XXe siècle. Les teintes choisies mettent d'ailleurs bien en exergue l'effort de reconstitution historique. Cette sobriété, qui n'est pas pour autant frodie, est d'autant plus appréciable qu'elle confère une classe à part à la série. La maîtrise d'ensemble se ressent tout particulièrement par un certain nombre de plans qui dépassent le simple fonctionnel, pour réellement investir une mise en scène symbolique.

Par ailleurs, la série bénéficie d'une belle bande-son qui s'impose rapidement comme un outil de narration à part entière, accompagnant et rythmant l'intensité du récit, tout en permettant de refléter l'ambiance particulière de l'histoire. Toujours utilisée à bon escient, composée d'instrumentaux de musique classique, elle a été composée par Kanno Yugo. Je vous avoue que, depuis plusieurs jours, j'écoute le CD de l'OST indépendamment avec beaucoup de plaisir. Il convient également de saluer la chanson du générique de fin (Tom Traubert's Blues, par Tom Waits) : ce morceau anglophone, inattendu, déstabilise dans un premier temps, mais le téléspectateur prend rapidement conscience de sa réelle portée : cette complainte lancinante est un cri déchirant, écho parfait à ce que ressent le héros de ce drama.

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Enfin, Fumou Chitai bénéficie d'un casting très solide qui permet d'asseoir efficacement l'histoire. Tout d'abord, il faut saluer la performance de Karasawa Toshiaki : il est vraiment fascinant dans sa façon d'interpréter de manière extrêmement sobre un personnage dont l'inexpressivité est souvent interprétée comme une forme d'insensibilité. Le détachement qu'il cultive renforce l'impression que Iki Tadashi demeure une sorte d'observateur extérieur des évènements, même s'il influe sur eux : une partie de lui-même est resté dans cette Sibérie qui a glacé une part d'humanité. Cette approche du personnage permet également de rendre encore plus marquante les scènes au cours desquelles la façade se fissure en des éclats d'émotion poignants.

A ses côtés, les personnalités féminines l'entourant, toutes très différentes, sont incarnées de façon convaincante par Wakui Emi (Hanayome to Papa), parfaite en épouse dévouée, par Koyuki (Engine), l'artiste de céramique, et enfin par Amami Yuki (BOSS, Gold), en femme fatale absolument resplendissante. Autre figure ayant son importance, la fille de Iki Tadashi est interprétée par Tabe Mikako (Deka Wanko). Parallèlement, au sein de l'entreprise, j'ai retrouvé avec beaucoup de plasir Takenouchi Yutaka (BOSS), en subordonné passionné par l'exploitation pétrolière. On croise également Harada Yoshio (Engine), Kishibe Ittoku (Arifureta Kiseki), Endo Kenichi (Gaiji Keisatsu) en concurrent qui prend très vite l'affrontemet personnellement et Abe Sadao (Dare Yorimo Mama wo Ai su) en journaliste toujours en quête d'un scoop.

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Bilan : Fumou Chitai, c'est une fresque fascinante, éprouvante, d'une richesse rare par sa capacité à jouer sur tous les registres de la fiction. C'est l'histoire d'une reconstruction personnelle impossible, sur fond de refondation économique et sociale d'un pays sorti exangue de la Seconde Guerre Mondiale. Récit politico-industriel à l'intérêt historique indéniable, le fil rouge de Fumou Chitai reste pourtant, en premier lieu, celui d'un drame humain. La série nous relate le parcours d'un ancien soldat, prisonnier de guerre marqué par la défaite et par onze années de captivité qui ont irrémédiablement brisé quelque chose en lui. Son sens du devoir lui donnera les ressources nécessaires pour aller de l'avant et entreprendre tous ces projets que le téléspectateur suivra avec attention. Mais, même le temps ne saura effacer ce traumatisme central qui nous sera constamment rappelé.


Si j'ai conscience de la longueur intimidante de cette review, je finis pourtant ma critique en ayant encore l'impression d'avoir tant à dire sur certains aspects que j'ai passés sous silence. C'est vous dire la densité de ce drama à part. Une série incontournable.


NOTE : 9,5/10


Le générique de fin (la chanson : Tom Traubert's Blues, par Tom Waits) :



Une musique de l'OST (le thème principal) :

16/03/2011

(J-Drama) BOSS : une série policière versatile et attachante

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Comme annoncé, le mois de mars sera bien en partie policier. En attendant de pouvoir jeter un oeil à plusieurs épisodes d'une nouveauté sud-coréenne, Crime Squad, dont la diffusion a commencé la semaine dernière, c'est au Japon que nous conduit ce troisième mercredi asiatique de mars, avec une critique sous forme de bilan d'un drama qui figurait sur ma liste de "séries à rattraper" dressée en début d'année, en partie pour les échos positifs que j'avais pu glaner, mais également pour la présence d'acteurs que j'apprécie beaucoup dans son casting : BOSS.

Diffusée au printemps 2009, sur la chaîne Fuji TV, sa première saison comporte 11 épisodes, de 45 minutes chacun (sauf pour le premier et le dernier d'une durée d'1h). La série fait également partie de ces quelques dramas qui obtiennent un renouvellement (disposer d'une deuxième saison reste une exception au Japon). La saison 2 était initialement annoncée pour ce printemps, à partir du mois d'avril ; l'actualité obligeant à mettre ceci au conditionnel. (EDIT : La diffusion de la saison 2 est officiellement annoncée pour le 14 avril prochain.)

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BOSS se propose de nous plonger dans le quotidien et les enquêtes d'une unité spéciale de la police japonaise. La série s'ouvre en effet sur la création d'une équipe annoncée et présentée aux médias comme une formation d'élite destinée à répondre à l'inquiétude suscitée par l'augmentation de crimes particulièrement violents. Osawa Eriko est nommée à sa tête, bénéficiant du soutien d'un des dirigeants de la police qui est un ancien de sa promotion. Cette femme de poigne au caractère bien trempé rentre tout juste d'une formation aux Etats-Unis. Très compétente, sa vie professionnelle a malheureusement souffert de sa vie privée, ce qui explique cet exil américain temporaire. Si elle revient avec des ambitions intactes, elle va cependant vite déchanter en découvrant la réalité du projet dont elle obtient la direction.

En effet, la supposée unité d'élite se révèle n'être qu'une maladroite façade médiatique. Loin de la promesse de se voir assigner les plus brillants éléments des différents services, ce sont au contraire les officiers posant problème, les "moutons noirs" dont on souhaite se débarrasser, qui lui ont été envoyés. C'est donc une équipe dans laquelle on a regroupé tous les agents dont personne ne voulait. Sans être foncièrement incompétents, par leur attitude ou leur façon de concevoir leur métier, ces derniers sont loin de représenter le stéréotype du policier idéal tel que le conçoit l'institution, navigant entre rébellion, défiance de l'organisation ou difficulté à réagir comme un officier. Eriko va non seulement devoir diriger et résoudre les enquêtes qui lui sont confiées, mais elle va aussi apprendre à créer et construire une solidarité et un esprit d'équipe qui apparaît illusoire au premier abord. Affaires policières et gestion humaine, voici donc les deux grandes thématiques que BOSS va investir. 

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Fidèle à son genre, BOSS démarre sur les bases d'un procedural (cop) show classique : elle va tout d'abord mettre en scène des enquêtes ayant vocation à seulement durer le temps d'un épisode. N'hésitant pas à relater des crimes très violents, la série cède souvent à une recherche de sensationnalisme parfois un peu excessive. Cependant, au fur et à mesure que la saison avance, le drama va progressivement glisser vers un feuilletonnant qui s'avère plus consistant et satisfaisant pour le téléspectateur. Un fil rouge finit d'ailleurs même par apparaître, permettant ainsi de conclure tous les arcs de façon autrement plus ambitieuse dans le dernier épisode.

Dans l'ensemble, en dehors de quelques cas plus finement traités, les affaires policières se laissent globalement suivre sans forcément retenir pleinement l'attention. Mais il est important de souligner que, au fil de la série, cette dernière gagne incontestablement en maîtrise dans la gestion de ces storylines, mais aussi en subtilité lorsqu'elle parvient à l'occasion à se détacher de la dynamique d'opposition manichéenne entre le criminel et la police. Cependant, si ce cadre policier sert la série, l'atout de BOSS est ailleurs. En effet, il va résider dans la dimension humaine que va être capable d'investir la série.

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Car si BOSS marque le téléspectateur, c'est sans doute prioritairement dans le domaine de l'affectif. Conduite par une Eriko à la présence particulièrement charismatique, la série bénéficie d'une galerie de personnages secondaires, extrêmement colorée et bigarrée, dont la diversité n'empêche pas une complémentarité efficace et des intéractions aussi pimentées que convaincantes. La dynamique d'ensemble fonctionne bien, tant dans l'opposition initiale que dans les relations qui se nouent peu à peu. Les liens entre chacun des protagonistes ne vont d'ailleurs jamais se figer, se consolidant avec le temps. Chacun finit ainsi, à sa manière, par trouver sa place au sein de cette unité atypique.

Si certains n'échappent pas à la caricature - mais c'est le lot des seconds rôles des comédies -, ils sont tous extrêmement attachants, et c'est avec un vrai plaisir que le téléspectateur les suit dans des enquêtes dont la finalité semble autant être d'attraper le criminel, que de servir de révélateurs à des personnages qui gagnent en épaisseur à mesure que l'image qu'ils renvoient se nuance. Comment rester insensible au manque d'estime de Kimoto qui cherche encore sa voie et pour laquelle la figure tutélaire d'Eriko va être déterminante ? Comment ne pas vouloir en savoir plus sur les non-dits et blessures du passé qui ont conduit Katagiri dans cet état désillusionné, où il a perdu toute foi en son métier ? Et puis, en dehors de l'équipe, comment ne pas se laisser séduire par les flirts incessants et la légèreté cultivée et mise en scène de Nodate ? Tous ces éléments sont autant de fils rouges à connotation humaine que l'on suit avec un intérêt presque plus prononcé que pour l'enquête policière du jour.

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Enfin, au-delà des thématiques classiques ainsi portées à l'écran, il faut souligner que BOSS n'est pas dénuée d'une identité propre. Son originalité va venir de la tonalité adoptée par la série. Si j'insiste dessus, c'est que rarement aura-t-on vu un ton aussi volatile et versatile que celui cultivé avec beaucoup de soin dans ce drama. Face à cette alternance constante et entêtante, entre comédie et cop show plus dramatique, le téléspectateur reste aux premiers abords un peu décontenancé, se demandant si les scénaristes n'ont pas des difficultés pour choisir son genre. Mais au contraire, loin d'être une problème de tergiversation narrative, c'est dans cette résistance à toute catégorisation que BOSS s'affirme et se distancie de ses modèles d'inspiration plus traditionnels.

Bénéficiant d'un rythme d'ensemble très énergique, la série pourra ainsi nous proposer des scènes fortes émotionnellement à l'intensité avant tout dramatique, tout en enchaînant quelques minutes plus tard sur des répliques décalées, parfois vraiment jubilatoires, qui sauront susciter plus d'un sourire. D'ailleurs, elle n'hésite pas à utiliser les codes de la comédie, versant parfois dans un certain burlesque ou une légèreté qui permettent de prendre de la distance par rapport aux intrigues plus pesantes. Pour autant, elle peut aussi en un instant redevenir autrement plus sérieuse, nous faisant assister à un meurtre ou à de vraies confrontations entre les protagonistes. BOSS reste donc comme une fiction entre deux tons, défiant obstinément toute catégorisation.

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Si la tonalité attrayante de la série marque sur le fond, il est intéressant de noter que la forme s'efforce de se mettre au diapason. La réalisation est extrêmement dynamique, multipliant les effets de style à l'écran. D'images saccadés qui accentuent surtout les passages les plus comiques à des split screen qui permettent de suivre la même scène de différentes perspectives, le réalisateur expérimente beaucoup. Même si certains effets ne sont pas complètement maîtrisés, avec notamment une tendance à recourir à certains gros plans pas toujours opportuns, tout ce travail insuffle un réel dynamisme. Une fois passée la surprise initiale, le téléspectateur s'habitue rapidement. 

De plus, cette impression de fraîcheur orientée vers la comédie est renforcée par une bande-son sympathique, composée de petits interludes musicaux entraînants. La chanson utilisée dans l'ending (My Best of my life de superfly - dont le pv est disponible à la fin de ce billet) apparaît finalement comme un pendant bienvenu plus calme et posé, par rapport au reste de l'épisode.

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Enfin, BOSS n'atteindrait sans doute pas le degré d'attachement qu'elle parvient à susciter sans la présence d'un casting rarement pris en défaut, dont les premiers comme les seconds rôles méritent vraiment d'être salués. Si j'avoue que je partais avec un a priori très positif pour plusieurs d'entre eux, ayant déjà pu apprécier leur performance dans d'autres dramas, mes attentes n'ont pas été déçues. Tout d'abord, Amami Yuki (Last present, Fumo Chitai, GOLD) s'impose de manière convaincante dans ce rôle de dirigeante de l'unité, femme de poigne dont la compétence frôle à l'occasion l'arrogance. Mais si BOSS parvient à trouver un équilibre et une homogénéité au sein de ses personnages, c'est aussi parce que tous les autres acteurs qui l'entourent se révèlent à la hauteur. Takenouchi Yutaka (Fumo Chitai, Nagareboshi) trouve instantanément (dès la scène d'ouverture) une dynamique parfaite avec Eriko, vraiment excellent en directeur flirtant constamment.

Parmi les membres de l'équipe, j'ai beaucoup aimé Toda Erika (beaucoup plus que dans LIAR GAME), parfaite en scientifique qui se cherche et qu'Eriko va prendre sous son aile. J'ai aussi tout particulièrement apprécié retrouver Tamayama Tetsuji (je confesse soupçonne que sa seule présence pourrait me faire suivre n'importe quel drama) (Sunao ni Narenakute), en policier solitaire ayant perdu sa confiance en l'institution depuis un incident il y a quelques années. A leus côtés, on croise également Mizobata Junpei (Shinzanmono), Kichise Michiko (Mousou Shimai), Kendo Kobayashi, Nukumizu Youichi, Shiomi ansei, Hasegawa Hiromi, HILUMA, Mitsuishi Ken, Aijima Kazuyuki ou encore Maruyama Tomomi.

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Bilan : Série policière à la tonalité volatile, alternance pimentée de comédie et de drama procédural classique, BOSS est une fiction attachante et plaisante à suivre. Particulièrement rythmé, le drama cultive un dynamisme qui se ressent tant sur le fond que sur la forme, et qui sait capter et retenir l'attention d'un téléspectateur aisément charmé par cette ambiance particulière. Si certaines enquêtes policières n'échappent pas toujours aux sirènes d'un sensationnalisme un peu naïf, la série gagne en consistante et en nuance au fil des épisodes, l'aspect feuilletonnant parachevant de manière convaincante cette maturation. BOSS s'impose donc comme un agréable divertissement que j'ai pris beaucoup de plaisir à visionner.


NOTE : 7,25/10


La chanson de l'ending de chaque épisode (My best of my life, par superfly - PV) :